Depuis près de 15 ans, la démarche d'Hélène Mutter se situe au croisement d’un travail artistique et d’une réflexion théorique qui portent sur la construction sociale du regard sur la guerre. Pensé selon une logique résolument pluridisciplinaire, son travail se déploie à la manière d’une longue enquête qui allie recherches et travail de terrain qui questionnent, plus largement, les façons que nous avons de penser la représentation de notre époque et de notre société. À l'ère de la post-photographie, elle interroge les façons que nous avons de documenter le monde, et particulièrement les situations de crises et de conflits, par la récupération et la création d’images, d’archives et de visuels, qu’ils soient produits par l’ingénierie militaire, des logiciels ou diffusés dans les médias. En posant un regard sociologique sur la guerre, Hélène Mutter interpelle le regardeur sur la façon dont est diffusée et reçue l'information visuelle produite dans le cadre des conflits, afin de mettre en évidence le caractère aléatoire de ce type d’imagerie.
"Hélène Mutter montre que l’image produite dans des circonstances particulières (la guerre), pour un but particulier (militaire) – voire image produite et utilisée sans qu’un regard humain n’intervienne dans la boucle captation-analyse – est dotée d’une existence propre, qu’elle résiste aux conditions de sa fabrication, qu’elle résiste aux intentions du système qui a permis son émergence. Elle insiste sur la présence physique de ces images. Ses opérations mettent en lumière la matérialité de l’image, elles lui rendent la matérialité que l’information (l’informatique) lui avait retirée. Le face à face avec les images dans lesquelles l’image des corps est absent n’est pas sans corps, c’est le corps réel, le nôtre, qui fait face à celui de l’image."
Bruno Goosse
Penser les conflits selon une dimension sensible agit ici comme un moyen essentiel de comprendre comment ce point de vue produit une nouvelle forme de compréhension sur les expériences de guerre.